"ELLE" (extraits)

Publié le par DICALU

Belle

 

Libellule entre eau et soleil

A l’appétit insatiable,

Bondissante,

De mot en mot,

De chair en plaisir,

Caressante et aimante.

 

Qu’on ne lui touche les ailes ;

Qu’on ne la rende stable 

Ni obéissante.

Que les sots

Brûlent leurs désirs

Inutiles et titubants.

 

 

 

 

 

 

Un mot comme encens

 

Un thuriféraire zélé

Ne se passait plus d’encensoirs ;

Et s’il sortait le soir

À son air on voyait

Qu’il cachait sous son habit

Une ou deux de ces petites marmites.

 

Cette anecdote devint un mythe,

Et on raconte dans les logis,

Qu’ à la fin d’une nuit,

À la sonnerie des matines,

S’enflamma son esprit

Dans une grande odeur de térébenthine

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Les tas de guerre

 

Le ciel est lourd et sombre des fumées levées

Par les impacts saccadés des têtes d’acier

Couvertes de l’odeur aigre du sang, des larmes

Aspirées dans les tubes longs et noirs des armes

A perte de vue répandues sur le parvis

D’une maison bien coquette, blanchie mais gelée.

 

S’étale en linceul une bannière étoilée

Qui inspire un seul cri :  allons tous aux abris ! 

 

Et les bandes rouges recouvrent les blancs déserts.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La ville Rouge

 

La vieille ville rouge

S’ouvre de larges voies

Par d’amples coups de gouge

Et ciseaux maladroits

Laisse suinter son sang

En un fleuve éclairé

De reflets chatoyants

En étoiles étalés

Ses grandes bouches bées

Laissent tomber les dents

Sur des vieux fils d’argent

Sous les baies étirés

Chicots semblant ainsi

Etre fanions d’ivoire

Laissés là par hasard

Par ceux qui sont occis.

Eux qui auparavant

Vivaient tout leur amour

Le nez aux quatre vents

Avant qu’on les découvre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’Architecte conçut pour la porte d’airain

Une archivolte mue par un alexandrin

L’archiprêtre le sait et lorsqu’il le prononce

Dessous l’arc apparaît son vieil ami Alphonse

 

Archange méconnu il se fait inviter

Comme ça à moitié nu par le chef des curés

Ils se servent à boire causent de leurs déboires

De la crise bien dure qui touche la profession

Vidant à vive allure des dizaines de litrons

 

Leurs vieux esprits chancellent sous les trente-six chandelles

Et la cave de messe naguère si fournie

Les plonge dans la détresse ils n’ont même plus la lie

 

Ils ne se tiennent plus vocifèrent sans façon

Recherchent un surplus fouillent l’habitation

 

Les figures des saints par nature si sereins

Sont prises de tremblements on leur fait grand tourment

 

Nos compères très vils munis de nagaïkas

Pensent à une razzia à faire sur la ville

Ils se ruent sur les bars provoquent des bagarres

Molestent les patrons de ces établissements

Distribuent des gnons à leurs pauvres clients

 

Ils parcourent les ruelles renversent les poubelles

Déversent leur urine sur le bas des vitrines

Ils crient à tue-tête disent que c’est la fête

A l’oreille d’un grigou délesté de ses sous

 

Ils le laissent par terre se tenant les rondelles

Et courent ventre à terre direction les bordels

Aucun n’y échappa des plus grands aux plus bas

Des sordides aux biens mis tous furent entrepris

 

On dit qu’une maquerelle a fourni tout son lot

De jeunes demoiselles sans toucher son écot

La plus vieille tenancière prétend sans grands mystères

Que malgré son grand âge elle subit les outrages

Témoignant en détails des honteux agissements

Que firent sous son chandail ces deux vieux garnements

 

Nul n’ose maîtriser ces âgés forcenés

Parce qu’on n’allait pas malmener un prélat

Et le plus vieil archange que la terre ait connu

Même si de ses louanges jamais rien on ne sut

 

On laissa donc tout faire priant que les compères

Rentrent à toute allure et cuvent à la cure

 

Enfin ils disparaissent juste au petit matin

Et couchés ils paressent nez sur le traversin

 

Le réveil est terrible l’’un dit j’ai sur le front

Reçu des coups de bible ou une tonne de melons

 

Et l’autre délabré implore le Puissant

Qu’il vienne le soulager de ses dérèglements

 

Mais paraît Gabriel tout droit venu du ciel

Flanqué de l’archevêque qui les fixe d’un œil sec

Le sermon est très long les pénitences pleuvent

Et pour les deux larrons c’est une dure épreuve

 

L’un court au paradis cultiver des radis

Le second est prié de sortir ses chapelets

 

Chaque année c’est pareil mais ils ont une année

Pour se faire pardonner et préparer querelles

 

Dans un an bien compté l’alexandrin étrange

A nouveau déclamé transformera les anges

En diables débraillés ils seront plus nombreux

Pour maltraiter les gueux en toute impunité

 

 

 

 

 

 

 

 

CARNAVAL

 

     Il est bien consumé le vieux roi carnaval.

Ses cendres humides et sales souillent les dalles

Qui le portaient hier sous les acclamations.

 

     Sur les pavés collants frisent les cotillons

Sous le vent du matin aux effluves de bière

Et de vieilles graisses aux relents délétères.

 

     On entend au loin quelques braillards attardés

Hurlant des chansons à la fête trépassée.

 

     Des grappes de noceurs se poussent, se querellent.

Deux se soulagent au détour d’une ruelle

Sur les gobelets et les guenilles de papier.

 

     Un autre vocifère, évitant le balai

Traîné par un vieux nettoyeur municipal

Guigné par trois boulottes fardées qui devisent

En s’esclaffant dans des grimaces animales.

 

     Quatre gamins aussi droits que la tour de Pise

Vident hagards et silencieux des fonds de chopes

Ignorant un gueux non déguisé et loqueteux

Qui hurle que toutes les femmes sont des salopes

Puisque ce sont elles qui l’ont rendu malheureux.

 

     Qu’il brûle en enfer ce vicieux roi carnaval.

Que les noceurs malades l’enfouissent sous les dalles

Qui ne devraient plus jamais, jamais le porter.

 

Les envies de vomir me commandent de rentrer.

 

 

 

 

 

 

Epitaphe

J’ai gravé sur ma carcasse

Des signes distinctifs que je suis seul à connaître

De telle sorte que quiconque ne sache qui j’ai été.

 

 

 

 

 

 

 

 

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